À quelques semaines de l’entrée en vigueur du prélèvement à la source, les dirigeants, comme tous les contribuables, se posent encore des questions sur l’impact de cette réforme sur leur situation personnelle et sur la manière de l’anticiper. Le prélèvement à la source consiste à collecter l’impôt sur le revenu lors du versement de la rémunération, et non plus un an après comme dans le système actuel. Pour les dirigeants de sociétés anonymes (SA) et de sociétés par actions simplifiée (SAS) ainsi que les gérants minoritaires de sociétés à responsabilité limitée (SARL), l’impôt sera prélevé sous la forme d’une retenue effectuée sur leur rémunération de la même manière que pour les salariés. En revanche, pour les gérants majoritaires des SARL, ce prélèvement donnera lieu à des acomptes mensuels ou trimestriels (sur option) prélevés directement sur leur compte bancaire par l’administration fiscale alors même que leurs revenus sont imposés dans la catégorie des traitements et salaires.

 

Revenus soumis à la retenue à la source Revenus soumis à l’acompte

Salaires, y compris salaires versés au diri-geant d’une SA, SAS ou SASU        

Indemnités journalières versées par la Sécu-rité sociale

Allocations-chômage

Pensions de retraite

Rentes viagères à titre gratuit

Pensions alimentaires

Rentes viagères à titre onéreux

Revenus fonciers

Bénéfices professionnels : bénéfices indus-triels et commerciaux,

bénéfices non com-merciaux, bénéfices agricoles

Rémunérations versées aux gérants majori-taires de SARL, d’EURL     

 

Le taux du prélèvement et le montant des acomptes applicables à partir du mois de janvier jusqu’en août 2019 figurent dès à présent sur l’avis d’imposition disponible dans l’espace personnel de chaque contribuable dans la rubrique « gérer mon prélèvement à la source ». Ils ont été calculés à partir des éléments figurant sur la déclaration des revenus 2017 déposée en mai-juin 2018 et seront actualisés en septembre 2019 à partir de la déclaration des revenus 2018 déposée en mai-juin 2019 afin de tenir compte des éventuels changements consécutifs à cette nouvelle déclaration. Le taux et les acomptes seront de nouveau actualisés chaque année, en septembre…

En pratique, la mise en place du prélèvement à la source ne dispense pas de déposer chaque année la déclaration annuelle de revenus permettant alors de prendre en compte d’éventuels crédits et/ou réductions d’impôt et d’actualiser le taux du prélèvement (ou le montant des acomptes). Par ailleurs, le principal intérêt du prélèvement à la source étant son ajustement en temps réel aux variations de revenus et aux changements de situation familiale, le prélèvement pourra être actualisé à tout moment pour tenir compte d’événements impactant le foyer fiscal, tels que le PACS, le mariage, le divorce, le décès… Cette déclaration de changement de situation pourra être effectuée dans les soixante jours de l’évènement permettant ainsi le calcul d’un nouveau taux mieux adapté, par l’administration fiscale. Le dirigeant pourra toutefois, sans pénalité, choisir de déclarer le changement lors du dépôt de la déclaration de revenus en mai-juin de l’année suivante. De même, le dirigeant pourra demander une modulation à la hausse ou à la baisse de son prélèvement en cas de variation de ses revenus ou de ses charges déductibles. Toutefois, cette possibilité ne peut pas être utilisée pour anticiper l’application de réductions ou de crédits d’impôt ou d’un taux d’imposition nul.

 

Le système de l’acompte pour les gérants majoritaires de SARL

A compter du 1er janvier 2019, des acomptes seront directement prélevés par l’administration fiscale sur le compte bancaire des dirigeants majoritaires de SARL, le 15 de chaque mois, douze mois sur douze. Pour les dirigeants actuellement mensualisés, ces acomptes correspondront aux prélèvements actuellement à leur charge, sous réserve, pour les acomptes mensuels, d’un étalement sur douze mois et non sur dix. Par ailleurs, contrai-rement au système de mensualisation, ces acomptes correspondront à l’impôt de l’année en cours, et non à l’impôt de l’année précédente.

Il est d’ores et déjà possible d’opter pour des acomptes trimestriels prélevés les 15 février, 15 mai, 15 août et 15 novembre. Cette option est globale est concerne l’ensemble des revenus du foyer fiscal soumis à l’acompte, à savoir, les revenus fonciers, les bénéfices industriels et commerciaux, les bénéfices non commerciaux, les bénéfices agricoles, et les pensions alimentaires. A titre d’exemple, les acomptes sur les revenus fonciers seront également prélevés trimestriellement si l’option est exercée.

 

Le système de la retenue à la source pour les autres dirigeants

 

Pour le dirigeant dont la rémunération fait l’objet d’une retenue à la source (dirigeant de SA, de SAS…), le montant de cette retenue à la source sera calculée en appliquant un taux de prélèvement sur le montant du salaire net, avant déduction des frais. Le dirigeant dont les frais professionnels sont importants pourra toutefois continuer à les déduire à condition d’opter pour les frais réels l’année suivante, lors du dépôt de la déclaration. Pour l’année 2019, le taux de prélèvement en tiendra compte si le dirigeant a déduit ses frais pour leur montant réel en 2017.

L’administration distingue trois types de taux de prélèvement. Le taux personnalisé ou (taux de droit commun) est calculé pour chaque foyer fiscal par l’administration fiscale, sur la base des dernières déclarations d’ensemble des revenus à sa disposition. Ce taux personnalisé peut, sur option des contribuables mariés ou liés par un pacte civil de solidarité (PACS), être individualisé, on parle alors de taux individualisé. Le taux neutre ou taux par défaut est calculé par application d’une grille de taux par défaut.

Le dirigeant peut choisir d’opter pour l’application du « taux par défaut ». Cette option s’avère intéressante dans l’hypothèse ou le dirigeant souhaite conserver une stricte confidentialité sur le niveau des revenus de son foyer fiscal ou dans l’hypothèse où il serait rémunéré dans plusieurs sociétés appartenant au même groupe et souhaiterait que le montant global de sa rémunération au sein du groupe demeure confidentielle. Il pourra alors opter pour le taux par défaut, à l’instar d’un salarié qui ne souhaiterait pas dévoiler le montant de ces revenus à son employeur.

En principe, le taux de prélèvement à la source est mis à disposition de la société par le biais d’un compte-rendu établi par l’administration fiscale en retour de chaque déclaration sociale nominative (DSN) souscrite. Le dirigeant peut, dès à présent opter, dans son espace personnel, pour que ce taux ne soit pas transmis par l’administration fiscale à la société en charge de prélever la retenue à la source sur les rémunérations.
En cas d’option pour le taux neutre, la société devra appliquer le taux par défaut. Ce taux n’est pas librement choisi par le contribuable mais dépend de la rémunération versée par la société chaque mois (indépendamment des autres salaires ou revenus perçus). Trois grilles de taux par défaut ont été publiées par l’administration fiscale, lesquelles sont déterminées selon une base mensuelle, permettant, chaque mois, à la société de déterminer le taux applicable au salaire versé. Il n’est tenu compte ni de la composition de la rémunération, ni des modalités de son versement (prime, versements d’arriérés, compléments de salaires versés selon une périodicité différente…). Ainsi, le taux par défaut peut varier chaque mois pour tenir compte d’une éventuelle variation de la rémunération (prime, paiement d’arriérés…).

Dan l’hypothèse où le contribuable perçoit des rémunérations provenant de plusieurs sociétés, il convient d’apprécier le caractère non exceptionnel des rémunérations société par société. Cette règle, dont les conditions d’application peuvent être intéressantes, doit cependant être maîtrisée dans tous ses aspects.

Si le montant de la retenue à la source résultant de l’application de taux par défaut est inférieur à celui qui aurait résulté de l’application du taux personnalisé calculé par l’administration fiscale, le contribuable devra acquitter tous les mois à son initiative, un complément de retenue à la source. La déclaration et le versement du complément seront effectués par le contribuable au plus tard le dernier jour du mois suivant la perception du revenu sur l’espace personnel accessible sur le site www.impots.gouv.fr. L’insuffisance de versement du complément donnera lieu à majoration de 10 % des sommes non acquittées dans les délais prescrits.

 

Année blanche et revenus des dirigeants

Les revenus exceptionnels imposables en 2018

Pour éviter que les contribuables ne supportent une double imposition en 2019, à la fois au titre des revenus de l’année 2018 avec un an de décalage et au titres des revenus perçus en 2019 par voie de prélèvement à la source, un crédit d’impôt spécifique est mis en place, le « crédit d’impôt de modernisation du recouvrement » (CIMR), qui permet d’annuler l’impôt dû au titre de l’année 2018.

Le CIMR est calculé avant imputation des réductions et crédits d’impôt et selon les mêmes règles que celles applicables actuellement. Toutefois, les revenus qualifiés « d’exceptionnels » ne seront pas couverts par le CIMR afin d’éviter tout effet d’aubaine. Il en est de même pour les revenus exclus du champs du prélèvement à la source tels que les intérêts, dividendes, plus-values de cession de valeurs mobilières…

Il appartiendra au contribuable de déterminer dans sa déclaration des revenus 2018 déposée en mai-juin 2019, sous sa propre responsabilité, les revenus exceptionnels qu’il a perçus en 2018. L’impôt correspondant à ces revenus exclus du CIMR sera dû par le contribuable en septembre 2019.

Pour les dirigeants, un dispositif anti-abus a été instauré pour la détermination de leurs revenus « exceptionnels » afin d’éviter que ces derniers ne majorent artificiellement leurs revenus de l’année 2018. Sont concernés par ce dispositif anti-abus, les revenus salariaux perçus par les personnes qui contrôlent en 2018 la société qui leur verse lesdits revenus au cours de cette même année ainsi que les revenus salariaux perçus par les conjoints, ascen-dants, descendants ou frères et sœurs.

Les revenus « non exceptionnels » dont l’imposition sera annulée par l’application du CIMR seront appréciés au regard des rémunérations perçues lors des trois années précédentes (2015, 2016 et 2017), comparées aux rémunérations perçues au titre de l’année 2018 puis, le cas échéant, 2019. Si la rémunération de 2018 est supérieure à la rémunération la plus élevée de ces trois années, le surplus sera considéré comme exceptionnel. Seule la fraction « non exceptionnelle » (par rapport aux trois années précédentes) des rémunérations perçues en 2018 ne sera pas imposée grâce au mécanisme du CIMR.

Toutefois, lors de la liquidation en août/septembre 2020 de l’IR 2019, un CIMR complémentaire pourra être accordé, permettant de supprimer en tout ou en partie l’imposition des rémunérations initialement considérées comme exceptionnelles perçues en 2018. Le CIMR complémentaire sera accordé lorsque la rémunération de 2019 sera supérieure ou égale à celle de 2018 ou si elle est inférieure à 2018 mais supérieure à la rémunération la plus élevée des trois années précédentes.
L’administration fiscale fournit l’exemple d’une personne percevant des salaires croissants de la société contrôlée et qui pourra bénéficier d’un complément de CIMR en 2020 :
Soit un contribuable célibataire ayant perçu, au titre des années 2015 à 2019, des salaires de la société contrôlée dont les montants nets imposables sont les suivants :

 

Année 2015 2016 2017 2018 2019
Montant net imposable des rémunérations    45 000€    54 000€    63 000€    72 000€    81 000€   

 

 

L’impôt sur le revenu brut dû par le contribuable au titre de l’année 2018 sera de 15 893 €.
En 2019, dans la mesure où le montant net imposable, au titre de l’année 2018, des salaires perçus de cette société est supérieur au plus élevé des montants nets imposables au titre des années 2015 à 2017 de ces mêmes salaires (72 000 > 63 000) :
– les rémunérations perçues en 2018 sont considérées comme des rémunérations non exceptionnelles ouvrant droit au bénéfice du CIMR à hauteur du montant le plus élevé des montants nets imposables au titre des années 2015, 2016 ou 2017, soit 63 000 € (montant retenu au numérateur de la formule de calcul du CIMR) ;
– le surplus des rémunérations perçues en 2018 par rapport à la plus élevée des rémunérations perçues au titre des années 2015, 2016 ou 2017 est qualifié de revenu exceptionnel n’ouvrant pas droit au bénéfice du CIMR, soit 9 000 € (72 000 – 63 000).
Ainsi, au titre de l’année 2018, le contribuable bénéficiera du CIMR, calculé par l’administration fiscale, pour un montant plafonné à 13 906 € [15 893 x (63 000 / 72 000)].
Le contribuable acquittera alors un montant d’impôt sur le revenu net dû au titre de l’année 2018 de 1 987 € (15 893 – 13 906).

 

Dans la mesure où le montant net imposable au titre de l’année 2019 des salaires perçus de la même société est supérieur au montant net imposable au titre de l’année 2018 (81 000 > 72 000), la totalité de ces rémunérations perçues en 2018 est considérée comme un revenu non exceptionnel.
En conséquence, le contribuable pourra demander, par voie de réclamation contentieuse, la restitution de la fraction du CIMR correspondant à la différence entre le CIMR qui aurait été accordé en l’absence de plafonnement et le CIMR accordé en raison du plafon-nement, soit un montant de 1 987 € [(15 893 x ((63 000 + 9 000) / 72 000)) – 13 906].
Lorsqu’une partie du bénéfice imposable de l’année 2018 est considéré comme un revenu exceptionnel et que le contribuable n’a pas pu bénéficier de la totalité du CIMR ou du CIMR complémentaire, il peut, par voie de réclamation auprès de l’administration fiscale, bénéficier d’un CIMR complémentaire égal à la fraction du crédit d’impôt dont il n’a pas pu bénéficier en application de la règle de plafonnement, s’il justifie que la hausse de ses rémunérations déclarées en 2018 par rapport aux trois années précédentes et à l’année 2019 d’une part correspond à une évolution objective des responsabilités exercées ou à la rémunération normale de performances au sein de la société en 2018, et, d’autre part, que la diminution de cette même rémunération en 2019 est également justifiée
Il ne faudra pas sous-estimer la difficulté à apporter ce type de justifications et s’y préparer avec soin si cette voie est utilisée…

 

Est-il fiscalement plus avantageux de percevoir en 2018 une rémunération exceptionnelle ?

Les revenus exceptionnels perçus en 2018 étant imposés en 2019, il semble indifférent de les percevoir en 2018 ou 2019. Pourtant, le mode de calcul de l’impôt sur les revenus exceptionnels perçus en 2018 sera différent de celui d’une année ordinaire et conduit à une imposition plus faible des revenus exceptionnels perçus en 2018. Pour une année ordinaire, les revenus exceptionnels (en surplus) sont taxés au taux marginal (c’est-à-dire à la dernière tranche du barème de l’impôt sur le revenu ) alors que pour l’année 2018, compte tenu de la formule de calcul du CIMR, les revenus exceptionnels seront imposés à un taux moyen d’imposition plus faible que le taux marginal d’imposition.

Il résulte de cette mécanique les revenus exceptionnels seront moins imposés s’ils sont perçus en 2018 plutôt qu’en 2019.

 

 

L’impact des charges déductibles en 2018

Les avantages sous forme de déductions du revenu n’auront pas la même efficacité fiscale en 2018. Prenons l’hypothèse d’un dirigeant qui a réalisé une plus-value en 2017, imposée en 2018 et dont une fraction de la CSG est déductible des revenus 2018.
Certes la CSG déductible viendra en déduction des revenus 2018, dont l’imposition sera de toute façon annulée par le CIMR. Mais en cas de revenus exceptionnels, la déduction sera réduite compte tenu des modalités de calcul du CIMR et dépendra de la part des revenus exceptionnels par rapport aux revenus courants.

 

Cette n’est bien entendu pas exhaustive. Elle n’aborde pas, par exemple, les mesures anti-abus en matière de revenus fonciers. Il est en effet clair que, simple dans son principe, le dispositif peut s’avérer complexe à mettre en œuvre dès que l’on sort des sentiers battus et que le contribuable dispose de revenus de sources, et de natures différentes. Autrement dit, quand un dirigeant se trouve dans ces situations, il doit nécessairement anticiper et s’interroger sur la façon de gérer cette nouvelle donne fiscale. S’en pré-occuper uniquement en janvier 2019, c’est prendre le risque de subir les évènements, sans en maîtriser toutes les conséquences.

 

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